Proposition de loi visant à tenir les moins de 14 ans à l'écart des corridas

Publié le par PSY

Comme nous le précisons sur la première page du site, sous l'intitulé "Pourquoi ce collectif ?", les premiers à devoir être protégés des corridas sont bien sûr les taureaux. Mais les corridas étant des spectacles violents ("sévices graves ou actes de cruauté envers les animaux" selon le code pénal français), au souci de protection des animaux s'ajoute le souci de la protection de la jeunesse.

Tant que les spectacles tauromachiques sanglants persisteront, il importe d'en écarter les mineurs.

 

Michel Larive, député de La France insoumise d'Ariège, a déposé une PPL (proposition de loi) demandant l'interdiction de la corrida aux moins de 14 ans.

 

 

C'est où, l'Ariège ?

 

Bonne question.

L'Ariège (09) est justement un département du Sud de la France resté à l'abri des corridas (avec, au sud-est, les Alpes-Maritimes (06) ).

Les corridas sont au terme de la loi et de la jurisprudence autorisées dans les douze départements du sud de la France indiqués sur cette carte. Même si les corridas ont dans les faits disparu de deux d'entre eux : le Var depuis 2010, et la Haute-Garonne depuis 2016.

L'Ariège est comme un lieu préservé qui rompt la ligne des départements bordant les frontières atlantico-pyrénéo-méditerranéennes

 

 

 

Mais l'Ariège est une terre de grottes paléolithiques. Et à voir ce relevé de gravure de la grotte du Mas d'Azil, située dans la circonscription de Michel Larive, nul doute que la camarilla des taurinistes viardeux nous décrirait sans rire un toro percé de banderilles, prêt à affronter le 3ème tercio, preuve incontestable que les corridas étaient pratiquées en Ariège voici 15 000 ans !!!

 

 

 

Du groupe La France insoumise, manquent Jean-Luc Mélenchon, Alexis Corbière, et Bénédicte Taurine.

 

Rappelons que lors de la campagne présidentielle de Jean-Luc Mélenchon, Charlotte Girard, co-responsable du programme de la France Insoumise, avait précisé dans un courrier du 30 mars 2017 à l'Alliance AntiCorrida : « Afin de respecter les recommandations de l’ONU et de proposer une mesure en cohérence avec la réglementation sur les jeux vidéos et les films en France, il pourrait être ajouté une mesure pour n’autoriser l’accès aux corridas avec mise à mort des animaux qu’aux spectateurs âgés de 16 ans et plus. »

 

Bénédicte Taurine est quant à elle proche de Michel Larive à la fois politiquement et géographiquement, puisqu'en juin 2017 elle a été élue députée LFI dans l'autre circonscription de l'Ariège (la 1ère). Elle a dans sa circonscription la grotte de Niaux, particulièrement riche en art pariétal animalier, mais nous lui épargnerons les élucubrations paléolithiques autant que patronymiques !

Bénédicte Taurine et Michel Larive

D'autres député·e·s se sont joint·e·s à la PPL, ce qui est tout à leur honneur vu les difficiles relations entre groupes parlementaires :

- 4 députées de LREM

3 d'entre elles sont inscrites au groupe d'études "condition animale".

- 3 député·e·s du Modem

L'une est inscrite au groupe d'études "condition animale", une autre au groupe d'études "droits de l'enfant et protection de la jeunesse".

- 2 député·e·s UDI/LR, dont Michel Zumkeller qui cosigne des PPL visant à supprimer la corrida depuis le début de la XIIIe législature (2007).

- 2 député·e·s LR, dont l'un est inscrit au groupe d'études "condition animale".

- Et 1 député non inscrit.

 

Trois député·e·s sont élus dans les départements taurins, c'est-à-dire les 10 départements français où la tauromachie sanglante se pratique encore :

- Loïc Prud'homme est élu de la 3ème circonscription de la Gironde, qui jouxte la 9ème circonscription, la circo "taurine" de la Gironde, avec La Brède et Captieux.

- Muriel Ressiguier est élue de la 2ème circonscription de l'Hérault, qui jouxte la 9ème circonscription de l'Hérault avec Mauguio et Lunel, une des deux circonscriptions taurines de l'Hérault, la première étant bien sûr la 6ème circo, avec Béziers et Boujan-sur-Libron.

- Éric Diard est élu de la 12ème circonscription des Bouches-du-Rhône, qui jouxte la 13ème circo, laquelle comprend la plus grande partie de la ville taurine d'Istres, cette 13ème circo jouxtant pour sa part la 16ème circo, la circonscription la plus taurine des Bouches-du-Rhône (avec Arles, Méjanes, Raphèle-les-Arles, Saint-Martin-de-Crau, Saintes-Maries-de-la-Mer, Tarascon, Saint-Etienne-du-Grès)

 

Donc, la corrida étant présente dans 10 départements français sur 101, les signataires, avec 3 élus de départements taurins sur 26 signataires, sont représentatifs du paysage taurin.

 

Pourquoi 14 ans ?

 

Michel Larive s'est inspiré de la PPL déposée en avril 2015 par Laurence Abeille (EELV) et cosignée par 14 parlementaires écologistes.

 

PPL de Michel Larive vs PPL de Laurence Abeille.

 

Une autre PPL déposée quelques mois plus tard, en juillet 2015, par Damien Meslot (LR) et cosignée par 11 députés LR, demandait l'interdiction aux moins de 16 ans.

Et une PPL qui avait été déposée sous la XIIIème législature en septembre 2007 par Jean-Pierre Brard (PCF) et cosignée par 6 députés de gauche et du centre, demandait l'interdiction aux moins de 15 ans.

 

Le seuil préconisé par le collectif PROTEC est de 16 ans.
De même, Hubert Montagner, cité dans l'exposé des motifs, s'est engagé début 2012 contre l'accès des mineurs aux corridas en demandant l'interdiction aux moins de 16 ans.

Un seuil est forcément arbitraire, mais celui-ci nous semble tenir compte au mieux des variations de maturité et de vulnérabilité d'un individu à l'autre.

 

Le seuil de "14 ans" est atypique.

 

Bien entendu, le seuil de 14 ans évoque celui décidé par le Parlement catalan en juin 2003. Décision devancière, mais qui remonte à quinze ans. La mise en question de la corrida dans nos sociétés a considérablement évolué depuis.

 

Il renvoie aussi à une toute récente proposition de loi déposée par le groupe politique Podemos au parlement de la Communauté autonome d'Aragón, laquelle jouxte la Catalogne à l'ouest, en février dernier, juste après la publication des recommandations du Comité des droits de l'enfant de l'ONU. Tout en se référant à ces recommandations qui concernent donc les moins de 18 ans, le seuil d'interdiction proposé était de 14 ans. Le porte-parole de Podemos l'avait justifié en séance en avançant que ce seuil de 14 ans était retenu par le droit de la Communauté autonome d'Aragón pour un certain nombre de questions. Certes, il avait aussi admis l'avoir choisi pour qu'un seuil trop élevé ne serve pas de justification à des votes défavorables. 

Pour info, cette PPL a été rejetée en séance le 15 mars 2018 par les deux partis principaux (PP, droite, et PSOE, socio-démocrate). Seuls les 3 parlementaires de la gauche radicale, dont la porte-parole a d'ailleurs cherché en vain à introduire un amendement faisant passer le seuil à 18 ans, ont apporté leur soutien à l'initiative

 

Mais en France, le seuil de 14 ans ne se retrouve nulle part dans la législation ou la réglementation française. 
. Les seuils de vulnérabilité retenus par le Code pénal sont ceux de 15 ans et/ou 18 ans [cf Titre II (Des atteintes à la personne humaine) du Livre II (Des crimes et délits contre les personnes)].
. Le seuil de vulnérabilité retenu par le Code de santé publique pour l'alcool ou le tabac est celui de 16 ans.
. Les seuils de vulnérabilité retenus par l'article R211-12 du Code du cinéma et de l'image animée (qui reprend les seuils du décret 2001-618 du 12 juillet 2001) sont de 12 ans, 16 ans, et 18 ans.
. Les seuils de vulnérabilité retenus en 2002 par le CSA concernant la signalétique jeunesse à la télé sont de 10 ans, 12 ans, 16 ans, et 18 ans.

 

Et dans les pays d'Amérique latine, qui sont nettement en avance quant au débat public sur la corrida par rapport aux pays d'Europe (Espagne, Portugal, France), le seuil retenu ces dernières années est de 18 ans ou de 16 ans. Pourtant, ces pays ne sont pas des pays de bisounours, ils sont confrontés à la violence de façon beaucoup plus crue qu'en Europe de l'Ouest. Mais peut-être est ce justement pour cela que la présence des jeunes à des spectacles violents y est de plus en plus remise en cause.

  • Au Mexique, à l'échelon fédéral, en février 2016, un groupe de députés et un groupe de sénateurs ont déposé chacun une PPL visant à réformer la loi sur les droits des enfants et des adolescents pour interdire aux moins de 18 ans l'assistance ou la participation aux spectacles tauromachiques.
    A l'échelon des États fédérés, dans 3 États, la Commission des droits de l'homme de l'État a demandé aux municipalités de tenir les moins de 18 ans à l'écart des corridas (le Campeche à partir de 2015, le Colima en octobre 2016, le Yucatán en août 2016), et dans 3 États, le Parlement de l'État a approuvé (à chaque fois à l'unanimité) une mesure visant à empêcher l'accès aux moins de 18 ans aux corridas (le Veracruz en décembre 2015, le Michoacán en mai 2016, la Basse Californie en janvier 2018).
  • Au Pérou, une proposition de loi visant à interdire l'accès des mineurs de 18 ans aux corridas avait été déposée au Congrès (chambre unique) en novembre 2011, puis approuvée en 2012 par deux commissions parlementaires en vue de sa mise à l'ordre du jour (mais le lobby taurin parvint à la faire retourner en commission, où cette fois elle reçut un avis négatif en décembre 2013). Une nouvelle proposition de loi visant à interdire l'assistance et la participation des mineurs de 18 ans aux corridas a été déposée en novembre 2016.
  • En Colombie, à l’échelon national, une proposition de loi avait présentée au Sénat en mars 2012, qui visait à inclure les spectacles de violences sur les animaux au sein des spectacles interdits aux moins de 18 ans par le Code de mineurs. Puis une nouvelle proposition de loi a été présentée au Sénat en août 2016, visant à interdire l'assistance et participation des mineurs de 18 ans aux corridas.
    A l'échelon départemental,  dans le département de Norte de Santander, l'Assemblée locale a adopté une ordonnance interdisant l'assistance et la participation aux corridas des mineurs de 18 ans.
  • Au Venezuela, dans 3 des 5 États où se pratique le plus la corrida, à la demande de l'Office de Défense du Peuple, un tribunal de protection de la jeunesse de l’État a décidé que les moins de 18 ans ne pourraient plus accéder aux arènes (l’Aragua en novembre 2012, le Zulia en octobre 2013, et le Carabobo en décembre 2013). Et dans l'État de Táchira, depuis 2014, l'Office de Défense de Peuple de l'État s'emploie également à rendre effectif l'accès des moins de 18 ans aux corridas.
  • Enfin, en Équateur, le Conseil national de l’enfance et de l’adolescence, par une résolution de septembre 2013, a introduit dans le règlement pour l’accès aux spectacles un article interdisant la présence des moins de 16 ans aux spectacles de tauromachie.

En conclusion

Reconnaissons à Michel Larive et à ses cosignataires le mérite de prendre un peu le temps de se consacrer aux êtres vulnérables, mineurs et animaux. Mérite, car les mineurs et les animaux ne récompensent pas ce qu'on fait pour eux par des bulletins de votes, même si les électeurs impliqués peuvent en tenir compte. Et mérite, car face à un exécutif qui entend mener des réformes tambour battant tous azymuts, les parlementaires n'ont guère le temps de se relaxer, surtout les petits groupes.

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D
Merci pour cette analyse détaillée et fort instructive. Curieusement, Jean-Luc Mélanchon qui dénonce haut et fort "le martyre des animaux" dans les élevages industriels et dans les labos, et qui se prononce aussi contre la chasse à courre, ne veut pas prendre parti contre la corrida. Sans doute n'a-t-il pas pris le temps de se pencher sur le problème. Il faudrait l'inviter à visionner le film Alinéa 3. Il faudrait aussi qu'un groupe parlementaire soutienne cette nième PPL pour qu'enfin elle soit débattue à l'Assemblée.
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S
Bravo; pourvu que cela aboutisse.<br /> Cette PPL est aussi importante que la lutte anti-terroriste ; bien sûr peu de citoyens seront ok pour le reconnaitre à première vue, mais je suis entièrement ok avec cette citation car tout est lié. :<br /> " L'enfant qui sait se pencher sur l'animal souffrant saura un jour tendre la main à son frère" Albert Schweitzer, prix Nobel paix, médecin, théologien
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