La cagnotte Leetchi pour l'école tauromachique Adour Aficion
Le point le 12 avril 2021
• La plate-forme de "cagnotte en ligne" Leetchi a mis en ligne le 2 avril une cagnotte destinée à soutenir financièrement l'une des six associations dites "écoles taurines" françaises, en l'occurrence l'association "Adour Aficion" (Landes).
• L'organisation Cazarrata l'a signalé sur sa page Facebook quelques jours plus tard.
• Le 9 avril, le collectif PROTEC a relayé sur Facebook l'appel de Cazarrata à interpeller Leetchi quant à ses positions éthiques, et a lui-même adressé un courrier à cette plate-forme :
Bonjour,
Le collectif PROTEC (Protégeons les enfants des corridas) ne pense pas admissible la cagnotte destinée à soutenir l'école de tauromachie Adour Aficion, où des mineurs s'entraînent à blesser et tuer des veaux et des taurillons à l'arme blanche.
Début 2016, le Comité des Droits de l'Enfant de l'ONU a recommandé à la France de tenir les mineurs à l'écart de la corrida :
Il l'a de même demandé entre 2014 et 2018 à tous les pays où persiste cette pratique.
Le Comité des Droits de l'Enfant (ou Committee on the Rights of the Child, « CRC ») est l'organe officiellement chargé de vérifier l'application de la CIDE (Convention internationale des droits de l'enfant). Le terme « enfant » y désigne les mineurs.
Par conséquent, il ne nous paraît pas acceptable qu'un site comme Leetchi cautionne l'existence des écoles tauromachiques.
Nous comptons sur vous.
• La réponse de Leetchi le 10 avril, enrobée des éléments de langage et des formules de politesse ad hoc, a été la suivante :
Selon différentes décisions administratives prises notamment par le conseil d’État, l’enseignement de la tauromachie n’est pas interdit. Ainsi, l’objet de la cagnotte de soutien financier à une école taurine, n’est pas illégale et n’enfreint pas nos Conditions générales d'utilisation.
Cazarrata avait indiqué sur sa page Facebook qu'il avait reçu une réponse analogue la veille.
• Notre réplique à cette réponse, cette fois-ci plus longue, a été la suivante :
Bonsoir,
Votre réponse n'est guère convaincante.
1 - LA LOI FRANÇAISE ET LA JURISPRUDENCE
Le Conseil d'État n'a pas donné suite, le 18/11/2019, aux pourvois contre les décisions de la CAA de Marseille du 18/03/2019, qui elle-même n'avait pas donné suite aux recours en appel des décisions des TA de Nîmes, de Montpellier et de Marseille.
Mais un des problèmes majeurs est que la CAA de Marseille énonce dans le 6ème considérant de chacun de ses 3 arrêts : "il ne ressort pas des pièces du dossier que les élèves-apprentis mineurs de cette école seraient directement confrontés à de la maltraitance animale voire à une mise à mort."
Le fonctionnement des six associations dites "écoles de tauromachie" françaises est de fait très opaque. Nous avions pris contact en 2016 avec elles pour leur demander à partir de quel âge les élèves pouvaient s'entraîner à planter des banderilles dans de jeunes bovins, et à partir de quel âge ils pouvaient s'entraîner à les tuer à l'épée. Bien entendu, nous ne reçûmes aucune réponse.
Cependant, à notre époque, une recherche sur internet permet de savoir que les élèves peuvent y tuer des veaux dès 13 ans, lors d'entraînements privés se tenant en France ou en Espagne. Et il y a donc lieu de penser qu'ils s'entraînent encore plus jeunes à planter les harpons nommés "banderilles" dans les veaux.
Voici des exemples que nous avions relevé concernant des élèves de deux de ces écoles.
- Le "Centre français de tauromachie de Nîmes".
- Raphaël Raucoule "El Rafi", né le 3 septembre 1999, premier veau tué à 13 ans :
"premier adversaire estoqué en décembre 2012 près de Salamanque".
- Solal Calmet "Solalito", né le 17 décembre 2000, premier veau tué à 13 ans :
"il pourra tuer pour la première fois un becerro lors d’un voyage à Salamanca, à La Fuente de San Estebán, le 7 mars 2014.".
- Nino Julian, né en 2002 (avant août, puisqu'il avait 16 ans en août 2018), premier veau tué à 14 ans :
"Cette même année [été 2016] il use du fer pour la première fois en privé chez le maestro Joël Matray à Bellegarde" (le lien est une capture d'écran de https://tendidorisclois.weebly.com/nino-julian.html le 3 avril 2019)
- Tibo Garcia, né le 3 juin 1997, premier veau tué à 14 ou 15 ans :
"Première mise à mort en privé en 2012".
- L'"École taurine d’Arles".
- Tristan Espigue “Tristán”, né fin 2001 (puisqu'il a "17 ans à peine" fin décembre 2018), premier veau tué à 13 ans :
"premier novillo tué en privé en 2015".
- Andy Younes, né le 30 mai 1997, premier veau tué à 13 ou 14 ans :
"Au cours de cette temporada [2011] il put mettre à mort son premier becerro".
- Thomas Joubert, né le 7 janvier 1990, premier veau tué à 14 ans :
"estoque son premier becerro le 21 Mars 2004, à la Monumental de Gimeaux" (le lien est une capture d'écran le 3 avril 2019 de http://www.thomas-joubert-matador-de-toros.fr/cv-taurin/).
- Adam Samira, né en 2000 (avant mars puisqu'il a 19 ans en mars 2019), premier veau tué à 14 ans :
"Dimanche 6 avril [2014] Paquito et le Bureau de l'Ecole Taurine d'Arles avaient prévu pour Adam SAMIRA, une surprise : ''sa première épée'' avec un becerro du Fer de Concha y Sierra".
Les recommandations du Comité des Droits de l'Enfant de l'ONU, que nous rappelions dans notre précédent message, sont en fait paradoxalement confortées par le Code pénal français. En effet celui-ci classe dans son article 521-1 les "courses de taureaux" (espagnoles) parmi les "sévices graves et les actes de cruauté sur animaux", pour accorder l'immunité pénale à leurs organisateurs et leurs acteurs en cas de "tradition locale ininterrompue" (en pratique dans des municipalités d'une dizaine de départements du sud de la France).
Donc, s'il est conforme à l'éthique de Leetchi de cautionner l'entraînement les enfants à des actes de sévices graves ou actes de cruauté envers les animaux, nous allons nous employer à le faire savoir.
D'une façon générale, même en mettant de côté les preuves de commission concrète d'actes de cruauté par les enfants relevées plus haut, j'invite les avocats de Leetchi à lire attentivement cet article de Claire Vial, professeur de droit public à l'Université de Montpellier, paru dans la RSDA, 1/2020, pp 167-185.
2 - LES "CONDITIONS GÉNÉRALES D’UTILISATION DE LA CAGNOTTE LEETCHI"
Dans la sous-section 26.1 (Activités interdites) de sa section 26 (Politique d'utilisation du Site), on peut lire :
Sont interdites les activités qui directement ou indirectement sont ou susceptibles d’être :
...
● Dégradant ou portant atteinte […] à la protection des enfants et des adolescents
...
Nous vous renvoyons pour cela une fois de plus aux recommandations du Comité des Droits de l'Enfant de l'ONU
...
● Ayant un caractère érotique ; sexuel ; pornographique ou offrant ou incitant à des services de prostitution.
…
● En lien avec des armes à feu, munitions, explosifs et certaines pièces d'armes à feu ou objets en lien avec des armes à feu, ainsi que les armes blanches.
…
● En lien avec le commerce des métaux précieux et des pierres précieuses.
Nous constatons que les activités sus-mentionnées sont légales, dès lors qu'elles respectent le cadre législatif et réglementaire (par exemple l'article 227-24 du code pénal pour les activités à caractère sexuel).
Or, malgré cette légalité, Leetchi a choisi de les écarter.
En ce cas, pourquoi se cache-t-il derrière la "légalité" des écoles de tauromachie pour se justifier ?
Bien à vous
• Les actions de Cazarrata et de PAZ sont relayées par d'autres organisations comme le COLBAC, sis à Béziers, le 11 avril, ce qui illustre l'union du sud-est et du sud-ouest contre les écoles de tauromachie.
• Voici le courrier complémentaire qu'a adressé le 12 avril le collectif PROTEC à Leetchi :
Bonjour,
Toujours à propos de la cagnotte visant à financer l'"école" tauromachique Adour Aficion, nous tenons à porter à votre connaissance les éléments suivants :
1 - Adour Aficion Cultura, l'association censée recevoir les dons (29 route d’Ossau - 64260 BESCAT), est manifestement une association qui a été créée en vue de lancer la cagnotte sur Leetchi en mettant en avant les 66% de réduction fiscale, puisque le 1er avril, elle ne figurait pas encore dans le Répertoire National des Associations mis en ligne sur la Plateforme des données publiques françaises.
2 - Son "porte-parole" est manifestement Hervé Larroquette, qui s'exprime dans les "Actualités" de la cagnotte, et dont l'adresse d'une des entreprises qu'il gère est l'adresse de la présumée association.
Par conséquent, il est évident que Jean Larroquette, dit "Juanito", "élève" de l'école Taurine Adour Aficion, est son fils.
3 - Cet article d'un club taurin béarnais est éclairant. On peut y lire : "Jean Larroquette a quant à lui rejoint Adour Afición à l’âge de 8 ans. Fidèle au maestro Iván Fandiño, il veut être torero ".
a - Jean Larroquette, le fils du lanceur de la cagnotte, a donc rejoint l'école taurine Adour Aficion à l'âge de 8 ans. Si Leetchi considère qu'à 8 ans on est en âge de faire des choix personnels éclairés, en l'occurrence le choix d'une pratique interdite par le code pénal sur les 9/10èmes de l'hexagone, faut-il en conclure qu'il ne verrait pas d'inconvénient à cautionner une cagnotte prônant la majorité sexuelle à 8 ans ?
b - La référence de Jean Larroquette, dans cet article en date du 2 avril 2017, est donc le matador Iván Fandiño. Or, deux mois et demi plus tard, le 17 juin 2017, Iván Fandiño était tué à l'âge de 36 ans dans une arène par un taureau stressé et désorienté. Qui plus est dans les Landes, le département où se situe l'école taurine Adour Aficion.
Certes, cette issue est rarissime. Mais elle illustre les accidents dont peuvent être l'objet les toreros, et invite, à côté du souci envers les animaux, à se poser des questions sur l'entraînement des enfants à la corrida quant à leur sécurité.
A l'heure actuelle, Jean Larroquette est probablement toujours mineur, puisque mi-février 2016 il n'avait que 12 ans.
Le choix d'un adulte lui appartient. Mais Leetchi cautionne-t-il qu'on puisse entraîner des mineurs à une activité pouvant conduire à des accidents mortels ?
Bien à vous
• La réponse de Leetchi le 13 avril (réponse préfabriquée qui ne répond pas aux questions précises que nous posions) :
[...]
Dans le cas de la cagnotte “Soutien à ADOUR AFICION E.T Richard MILIAN”, l’objet tel que défini par son organisateur respecte parfaitement ce cadre puisqu’en France, l’enseignement de la tauromachie et la tauromachie ne sont pas strictement interdits, conformément aux décisions administratives prises notamment par le Conseil d’État.
La cagnotte “Soutien à ADOUR AFICION E.T Richard MILIAN” n’enfreint donc ni la loi ni les Conditions générales d'utilisation de Leetchi, et, à ce titre, il ne nous est pas possible d’accéder à votre demande d’annulation.
Sachez que Leetchi est bien sûr tout à fait conscient du débat qui existe au sujet de la tauromachie et des émotions que suscite cette pratique. Cependant, et dès lors que la réglementation est respectée, il n’appartient pas à Leetchi de prendre position sur l’objet d’une cagnotte ni, de ce fait, de la supprimer.
[...]
• La suite... à venir.