KIT DE RÉPONSES

Publié le par PSY

Nous proposons dans cet article un "kit de réponses" aux huit arguments les plus répandus prétendant justifier l'assistance ou la participation des mineurs aux pratiques tauromachiques sanglantes.

Pour ceux qui sont lassés de tenter d'argumenter rationnellement avec les zélateurs de l'accès des mineurs aux corridas, il suffira ainsi de copier-coller le(s) lien(s) !

Insistons sur le fait que ce contre-argumentaire est axé sur l'accès des mineurs aux corridas, pas sur la corrida en elle-même, qui demanderait bien d'autres développements.
 

(cet article fait l'équivalent de 3 bonnes pages, donc parcourez-le tranquillement en plusieurs fois, ou gardez-le tout simplement dans vos étagères numériques pour le consulter au cas par cas. smiley 

Une version abrégée est disponible ICI)

 


A l'annonce d'une possible interdiction de l'accès des corridas aux mineurs, nous avons donc souvent lu et entendu les réactions suivantes :

« C'est notre tradition, c'est notre culture, nous voulons pouvoir la transmettre à nos enfants !

Laissez-nous notre liberté, halte à l'intolérance, nous n'avons pas à nous faire dicter notre conduite, il faut arrêter de légiférer sur tout, la Liberté fait partie de notre devise, personne ne vous oblige à emmener vos enfants à la corrida, mais arrêtez d'embêter les gens !

C'est aux parents de décider la façon dont ils éduquent leur enfant, ceci relève de leur responsabilité dans le cadre de l'autorité parentale !

Les jeunes sont exposés à bien d'autres formes de violences préoccupantes à la télévision, au cinéma, sur internet ou dans les jeux vidéos !

La corrida est une expérience initiatique pour les enfants, que les bien-pensants veulent enfermer dans un monde aseptisé au nom d'un ordre moral totalitaire, la corrida est une école de vérité, on affronte le taureau en face avec respect, la corrida est une école de courage, le torero s'expose physiquement !

Il y a bien d'autres choses autrement plus graves qui peuvent traumatiser les jeunes ou les inciter à la violence. Et il y a bien d'autres problèmes plus importants auxquels les mineurs peuvent être confrontés !

Je n'ai jamais vu de jeunes traumatisés par la corrida, et je n'ai jamais vu de jeunes devenus violents à cause de la corrida. Il n'y a pas de preuves des effets négatifs des corridas sur les jeunes ! »

 

 

1. TRADITION ?

 

"C'est notre tradition, nous voulons pouvoir la transmettre à nos enfants"

 

   Si les traditions sont ce qui cimente les sociétés humaines, il est évident qu'elles ne doivent pas pour autant être intangibles.

   La réponse à l'argument de la tradition est lapidaire : pendant des siècles, dans certaines régions du monde, la lapidation a été un châtiment traditionnel public auquel les mineurs pouvaient assister, voire participer. Heureusement, elle n'est quasiment plus pratiquée.

   Et pour s'en tenir à des exemples contemporains concernant les mineurs, le mariage forcé des très jeunes filles ou les mutilations génitales sont unanimement réprouvés dans la sphère occidentale. Pourtant, les familles qui imposent ces pratiques pensent le plus souvent le faire pour le bien de leurs filles, et celles-ci les reproduiront à leur tour dans le même esprit.

   Il ne s'agit bien entendu aucunement d'assimiler l'accès des mineurs aux corridas avec ces pratiques, il s'agit juste de remettre l'argument de la tradition à sa place.

 

2. CULTURE ?

 

"C'est notre culture, nous voulons pouvoir la transmettre à nos enfants"

 

   Prenons ici le terme "culture" non au sens de "mode de vie" (qui recouvre le concept de "tradition" ci-dessus commenté), mais au sens d'"art de vivre", désignant les expressions artistiques ou festives au sens large.

   En ce sens aussi, les pratiques culturelles contribuent à souder les sociétés humaines. Et il est tout à fait compréhensible qu'on cherche à défendre son identité culturelle, à une époque où elle tend à se diluer dans l'immédiateté d'un monde globalisé.

 

Une culture doit rassembler, pas diviser

   Mais la corrida est la pratique "culturelle" qui suscite depuis deux ou trois décennies les polémiques les plus virulentes dans tous les pays où elle est pratiquée, en Europe comme en Amérique latine. La proportion de personnes qui y sont opposées ne cesse de croître. En France, une très nette majorité de citoyens, y compris dans les régions dites taurines, est favorable à la suppression des corridas.

   La tauromachie sanglante a peut-être été dans le passé un facteur de rassemblement festif, quoi qu'on en pense sur le plan éthique, mais elle est incontestablement devenue un sujet de clivage, d'opposition et de querelle.

   La Convention de 2003 de l'UNESCO, dans le dernier considérant de son préambule, insiste sur « le rôle inestimable du patrimoine culturel immatériel comme facteur de rapprochement, d’échange et de compréhension entre les êtres humains ». La tauromachie sanglante est clairement aux antipodes de cet énoncé.

 

Une culture n'est pas immuable

   Toute culture doit être évolutive. Assimiler culture avec tradition, c'est se condamner à l'immobilisme et à la répétition. Dans nos sociétés démocratiques modernes, les cultures figées sont celles qui risquent de poser des problèmes.

   Les valeurs que nous souhaitons transmettre à nos enfants ne doivent pas être des valeurs figées, elles doivent s'inscrire dans l'évolution du monde contemporain quant aux violences socialement acceptées, au rapport de l'homme aux animaux, et au rapport de l'homme à la nature.

   Ainsi, pour rester au plus près de notre sujet, l'Espagne s'était fait jadis une spécialité des mauvais traitements festifs envers les animaux. Mais si certaines "festivités" subsistent encore, beaucoup d'autres ont fait l'objet de changements radicaux tenant compte des changements du rapport des hommes aux animaux : ainsi le taureau de la Vega, le taureau de Coria, l'âne de Villanueva, la chèvre de Manganeses, les canards de Sagunto, les oies de Lekeitio ou du Carpio del Tajo.

   Dans un avenir pas si lointain, quand les futures générations revisiteront l'histoire des idées et des conduites, comment apparaîtront les hommes et les femmes qui auront défendu la transmission des pratiques tauromachiques sanglantes aux enfants ?

 

La corrida et la culture locale

   La revendication de l'ancrage territorial ou de l' « esprit du sud » n'est pas pertinente.

   Nous ne reviendrons pas sur le fait que les courses de taureaux espagnoles ne se sont implantées en France que durant la seconde partie du XIXème siècle, et qu'elles n'ont été légalisées qu'à partir du milieu du XXème siècle (loi du 24 avril 1951). 

   Mais pourquoi y a-t-il polémique intense autour du fait d'emmener des enfants aux corridas, et pas à un défilé de carnaval, une joute nautique, ou un tournoi de pelote basque ?

   Comme nous le signalions plus haut, les enquêtes d'opinion montrent qu'une majorité de citoyens est favorable à la suppression des spectacles tauromachiques sanglants dans le sud de la France, mais également dans l'ensemble des  pays où ils sont encore pratiqués : Espagne, Portugal, Mexique, Venezuela, Colombie, Équateur et Pérou.

   Ce sont les pays latino-américains eux-mêmes, pays de culture hispanique où la corrida s'est implantée bien avant la France, qui donnent l'exemple vis-à-vis des mineurs : l'accès des corridas aux mineurs est ainsi à ce jour interdit dans l'ensemble du pays en Équateur, dans les deux États du Venezuela où elle est encore pratiquée, et dans trois États du Mexique.

 

Remarque : La corrida est-elle un art ?

   On peut aussi lire ou entendre "La corrida est un art, les jeunes doivent y avoir accès." La corrida mérite-t-elle ou non la qualification d'art ? Nous n'en discuterons pas, la définition de ce concept pouvant être extrêmement ouverte, et pouvant parfois se heurter frontalement à l'éthique. Si c'est le cas, la tauromachie sanglante entre dans la catégorie des arts "performatifs".  Dans cette catégorie, si des corps nus, des organes sexuels, ou des gestes sexuels sont mis en scène, que ce soit dans une optique pornographique ou "post-pornographique", l'accès des mineurs y sera restreint. Donc la référence à l'art ne clôt pas le débat sur la question.

 

3. LIBERTÉ ?

 

"Laissez-nous notre liberté, halte à l'intolérance, nous n'avons pas à nous faire dicter notre conduite, il faut arrêter de légiférer sur tout, la Liberté fait partie de notre devise, personne ne vous oblige à emmener vos enfants à la corrida, mais arrêtez d'embêter les gens !"

 

   Ce type de réflexions revient en fait souvent de nos jours quel que soit le sujet de société abordé. Dans un sens il peut se comprendre, chacun aimerait déterminer à sa manière où poser le curseur entre ce qui est interdit, ce qui est obligatoire, et ce qui est facultatif, dans les actes ou les paroles.

 

Les règles limitant la liberté individuelle ont toujours existé

   Depuis que les hommes se sont organisés en société, il existe des règles collectives sur ce qui est prescrit ou proscrit. Et en démocratie, la puissance publique est censée fixer les normes en fonction du bien commun.

 

La Liberté avec un grand "L" ?

   Invoquer la devise républicaine pour s'opposer à une loi qui interdirait l'accès des mineurs aux corridas et aux écoles taurines est quelque peu paradoxal.

   . D'abord, la "Liberté" a été mise en avant par la République pour s'émanciper du vieux monde des traditions et des castes. L'avènement de la République s'est nourri des idées des Lumières, à commencer par Rousseau, qui écrivait en 1764 « Il nʼy a donc point de liberté sans Lois, ni où quelquʼun est au-dessus des Lois. »

   . Ensuite, l'"Égalité" est l'égalité des citoyens devant la loi. Or les passionnés de corrida aiment à mettre en avant la caution qu'a apportée le Conseil constitutionnel à l'immunité pénale d'exception dont jouissent les professionnels de la corrida dans une dizaine de départements du sud.

   . Enfin, loin d'être un moteur de "Fraternité", la corrida est devenue, comme nous le soulignions plus haut, avant tout un facteur de clivage et de polémiques.

 

Les règles évoluent avec les époques

   Tout comme le mode de vie ou la culture, les normes juridiques évoluent avec le temps.

   Ainsi, si la plupart des sociétés patriarcales antiques accordaient au père le droit de vie et de mort sur ses enfants, nous n'en sommes plus là.

   Ainsi, pour s'en tenir à une époque plus récente, fallait-il respecter la liberté des hommes qui aiment violenter les femmes ou abuser des enfants ?

   En démocratie, les individus ou les minorités restent libres dès lors que leurs activités n'ont pas d'impact négatif sur les personnes (comme ici les répercussions sur les mineurs), et ne portent pas atteinte aux valeurs partagées par la majorité des citoyens (comme ici la conception de la violence ou le rapport des hommes aux animaux). Mais dans le cas contraire, il peut être nécessaire d'adapter les règles.

 

L'exemple de la cigarette

   Cet exemple peut paraître curieux dans ce cadre, mais, outre la dialectique "liberté individuelle versus normes contraignantes", l'addiction à la cigarette et l'aficion aux corridas ont un point commun : la dépendance à une substance ou à un spectacle.

   Les mesures législatives et réglementaires des années 1990 et 2000 visant à limiter l'usage du tabac, ainsi que les débats et les campagnes qui les ont accompagnées, avaient provoqué des tollés à répétition de la part des "accros" à la cigarette. Ceux-ci s'élevaient contre les injonctions du politiquement correct et la censure des bien-pensants, ils dénonçaient l'immixtion de l'État dans les libertés individuelles en se référant à une habitude séculaire. Pourtant, actuellement, ces restrictions et ces interdictions imposées par les pouvoirs publics sont entrées dans les mœurs et les mentalités.

 

4. AUTORITÉ PARENTALE ?

 

"C'est aux parents de décider la façon dont ils éduquent leur enfant, ceci relève de leur responsabilité dans le cadre de l'autorité parentale."

 

L'encadrement juridique de l'autorité parentale

   L'autorité parentale n'est pas une autorité sans limite, les parents n'ont pas tout pouvoir sur leurs enfants. Dans toutes les sociétés modernes, la loi fait intrusion dans le sanctuaire familial. Si certains sujets ressortissent à la responsabilité éducative des parents, d'autres sont encadrés par la puissance publique, qui impose un certain nombre de prescriptions (comme l'éducation scolaire) et de proscriptions (comme les violences éducatives).

 

Exemples d'interdictions à des spectacles

   La réglementation française impose des limites à l'accès des mineurs aux spectacles, dès lors que ceux-ci comportent des scènes de violence ou de sexe jugées excessives. Et ceci que les mineurs soient accompagnés ou non de leurs parents.

   . Le décret du 15 mai 1992 précise les modalités d'accès des mineurs aux salles de cinéma en fonction de la classification des films.

   . L'ordonnance du 5 janvier 1959 stipule que « le préfet peut, par arrêté, interdire l'accès des mineurs de dix-huit ans à tout établissement […] lorsque ces distractions ou spectacles ou la fréquentation de cet établissement se révèlent de nature à exercer une influence nocive sur la santé ou la moralité de la jeunesse ».

   Par conséquent, étant donné que le code pénal spécifie l'immunité pénale dont bénéficie la corrida dans le cadre du chapitre "sévices graves ou actes de cruauté sur animaux", la remise en cause de l'accès des mineurs aux arènes et aux écoles taurines est légitime.

 

Exemples d'interdictions à des activités

   Des exemples similaires peuvent s'appliquer encore plus précisément à l'accès aux "écoles" tauromachiques, où les mineurs sont entraînés à commettre des sévices graves et des actes de cruauté sur animaux sous couvert de l'immunité pénale dont jouit la tauromachie sanglante dans une dizaine de départements du sud.

   Bien entendu, il est interdit d'inciter un mineur à participer à des réunions comportant des exhibitions ou des relations sexuelles (article 227-22 du code pénal).

   Mais aussi, un mineur n'a pas le droit d'entrer dans un casino, même accompagné de ses parents (article 23 de l'arrêté du 14 mai 2007), ni de participer à des jeux de hasard ou à des paris (article 5 de la loi du 12 mai 2010, et articles L320-1 & sq du code de la sécurité intérieure en vigueur à partir de janvier 2020). Les textes estiment que la vulnérabilité d'un mineur ne lui permet pas de risquer l'argent dont il dispose, ni de s'exposer à un risque de dépendance.

   Et, pour être au plus proche de notre sujet, la section du code du travail définissant les travaux interdits et réglementés pour les jeunes âgés de quinze ans à dix-huit ans stipule qu'il est interdit d'affecter les jeunes à des travaux d'abattage, d'euthanasie et d'équarrissage des animaux (article D4153-37).

   Dans tous ces cas de figure, la loi ou la réglementation l'emporte sur la liberté éducative des parents et l'autorité parentale.

 

La notion d'intérêt supérieur de l'enfant

   La Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE) de l'ONU, convention juridiquement contraignante entrée en vigueur en 1990 et ratifiée par la France, a introduit la notion d'intérêt supérieur de l'enfant. Cette notion, qui doit bien entendu être maniée avec précaution, signifie que l'intérêt du mineur (l'enfant au sens de la CIDE) en tant que personne peut prévaloir sur l'autorité parentale.

   L'esprit de ce concept était par exemple une des clés du rapport Kriegel sur La violence à la télévision, remis en 2002 au Ministre de la Culture, qui rappelait « en cas de heurt perpendiculaire entre la liberté d'un adulte et la protection d'un enfant mineur, c'est la protection de l'enfant qui doit l'emporter. » 

   Récemment, c'est dans l'esprit de la CIDE que la loi du 10 juillet 2019 a inscrit dans le code civil : « L'autorité parentale s'exerce sans violences physiques ou psychologiques. »

 

Les recommandations du Comité des Droits de l'Enfant sur la tauromachie

   Le Comité des droits de l'enfant est l'organe officiellement chargé de vérifier l'application de la CIDE dans les différents États parties. Il est constitué de 18 experts indépendants élus par les État parties.

   Ces dernières années (entre 2014 et 2018), ce comité a recommandé aux États où se pratique la tauromachie sanglante d'en tenir les mineurs à l'écart. La France a ainsi fait l'objet de cette recommandation en 2016.

 

5. L'EXPOSITION AUX VIOLENCES SUR ÉCRAN ?

 

"Les jeunes sont exposés à bien d'autres formes de violences préoccupantes à la télévision, au cinéma, sur internet ou dans les jeux vidéos."

 

Différence entre violences réelles et violences fictives

   Les violences sur écran sont certes beaucoup plus répandues. Elles peuvent être de deux sortes : soit vidéos de violences réelles, notamment sur le web, soit violences fictives (films, jeux vidéos...). 
   La corrida a quant à elle ceci de particulier qu'elle met en scène une violence réelle, avec du vrai sang, et directe, sans écran, acclamée par la foule. Et précisons que dans les arènes, il arrive aussi parfois que les toreros soient blessés sous les yeux des mineurs.

   Les enfants savent en tout cas faire la différence entre des violences fictives et des violences réelles.

 

Les violences sur écran sont déjà encadrées

   Il existe des dispositions législatives et réglementaires visant à protéger les mineurs des violences sur écran. Mais elles peuvent être difficiles à appliquer dans notre monde ou l'audio-visuel et le numérique sont partout présents.

   En revanche, protéger les mineurs de la violence tauromachique est concrètement applicable.

 

6. UNE SOCIÉTÉ ASEPTISÉE ?

 

"La corrida est une expérience initiatique pour les enfants, que les bien-pensants veulent enfermer dans un monde aseptisé au nom d'un ordre moral totalitaire, la corrida est une école de vérité, on affronte le taureau en face avec respect, la corrida est une école de courage, le torero s'expose physiquement."

 

Nul besoin d'artifices pour initier l’enfant à la violence de l'existence ou à la mort,

   - Les enfants sont confrontés très tôt à la violence, à commencer par la violence des autres enfants. Ils sont confrontés à ce que peuvent avoir de violent les maladies ou les accidents de leurs proches. Ils sont confrontés à la mort des membres de la famille ou de leurs voisins.

   - Et, dès qu’ils sont en âge de s’intéresser aux médias et de naviguer sur Internet, les mineurs sont confrontés à la violence du monde telle qu’elle y apparaît quotidiennement.

Bref, Il y a bien assez de souffrance, de mort ou de danger dans la vie réelle pour qu'on n'ait pas besoin de les mettre en scène dans une arène.

 

Un affrontement loyal ?

   Le taureau enfermé dans l'arène est manipulé par les toreros grâce aux particularités de sa vision, de ses réactions comportementales, et de sa sélection génétique par l'homme. Il va recevoir dans la chair pendant 20 minutes une série d'instruments de métal avant de mourir : piques, banderilles, épée, verdugo, puntilla.

 

Le torero s'expose héroïquement face au taureau ?

   Combien y a-t-il de toreros blessés chaque année en France ? Ils se comptent sur les doigts d'une main. Et combien de toreros ont-ils trouvé la mort en France au cours des cent dernières années ? Deux.

   A titre de comparaison, on recense en France métropolitaine durant l'année 2018 près de 70 000 blessés par accidents de la circulation, et 3 250 morts.

   Les mineurs n'ont nul besoin de l'héroïsme présumé des toreros pour être confrontés aux vrais risques de l'existence normale. 

   Et quand bien même, s'exposer à un danger dans le but de blesser et de tuer se réfère à des "valeurs" qu'on espérait disparues de notre société. Ne vaudrait-il pas mieux enseigner aux mineurs que s'exposer à un danger est justifié, voire honorable, lorsque le but est de soulager et de sauver ?

 

Les pays d'Amérique latine

   Certains pays d'Amérique latine, pour toute une série de raisons, restent parmi les pays les plus violents du monde (Mexique, Colombie, Venezuela).  Or, ceci ne les empêche pas de porter dans le débat public et juridique la violence tauromachique et l'accès des mineurs à cette violence.

 

7. IL Y A PLUS IMPORTANT ?

 

"Il y a bien d'autres choses autrement plus graves qui peuvent traumatiser les jeunes ou les inciter à la violence. Et il y a bien d'autres problèmes plus importants auxquels les mineurs peuvent être confrontés."

 

   Cet argument s'appelle le sophisme du pire.

   La réponse va de soi : s'occuper des choses plus graves n'empêche pas de s'occuper des choses moins graves, et vice-versa. Sinon avec ce raisonnement, on peut dire :

   - avant de nous occuper de l'accès des mineurs aux corridas, occupons-nous des mineurs souffrant de harcèlement sur les réseaux sociaux,

   - mais avant, occupons-nous des mineurs entraînés dans la violence à cause de la mauvaise influence de groupes et du manque d'encadrement familial,

   - mais avant, occupons-nous des mineurs sans logement décent en proie à la pauvreté,

   - mais avant, occupons-nous des mineurs victimes de violences physiques sévères ou d'abus sexuels avérés,

etc.

 

8. OÙ SONT LES PREUVES ?

 

"Je n'ai jamais vu de jeunes traumatisés par la corrida, et je n'ai jamais vu de jeunes devenus violents à cause de la corrida. Il n'y a pas de preuves des effets négatifs des corridas sur les jeunes."

 

   D'abord, les risques que nous mettons en avant sont évidemment variables en termes de fréquence comme en termes d'intensité, comme toute chose en matière psychologique.

 

   - En ce qui concerne l'effet traumatique, il existe suffisamment de témoignages pour que ce risque soit avéré. Et pour que des effets traumatisants soient identifiés par le corps social, il faut d'abord que leur existence soit reconnue. Rappelons qu'il y a cinquante ans, personne n'avait en principe été traumatisé dans son enfance par des abus sexuels ou des mauvais traitements physiques, puisque tout simplement on n'en parlait pas.

 

   - En ce qui concerne l'accoutumance ou l'incitation à la violence, il s'agit d'abord juste d'une évidence : les adultes qui emmènent des enfants à des corridas les entraînent à une forme de violence réelle. Et cette accoutumance à la violence pourra se muer en fascination, voire en addiction. C'est la définition même de l'afición, la passion pour la corrida.

   On peut clairement parler d'incitation à la violence en ce qui concerne les "écoles taurines". A l'âge où la personnalité est encore en construction, les jeunes sont entraînés à planter des harpons dans des veaux, et à les tuer avec une épée dès l'âge de 13 ans.
   Ensuite, l'effet de la tauromachie sanglante en termes d'accoutumance ou d'incitation à d'autres formes de violence ne pourrait s'apprécier que dans le cadre d'une méthodologie complexe et rigoureuse avec une analyse statistique dite multivariée, car le phénomène de la violence fait intervenir de nombreux paramètres. Et pour assurer un recueil de données non biaisé, l'échantillon devrait comprendre un nombre considérable de Français afin d'inclure un nombre suffisant de sujets ayant été emmenés voir des corridas étant mineurs.

   En l'absence d'analyses portant spécifiquement sur la corrida, on peut s'en tenir aux études portant d'une façon générale sur les effets de l'exposition à la maltraitance animale chez les mineurs. Elles indiquent en effet que ceux-ci vont avoir davantage tendance :

. non seulement à maltraiter les animaux,

. mais également à maltraiter les autres jeunes (ce qu'on appelle le "harcèlement"), et à avoir des conduites agressives.

 

   Des passionnés de corrida aiment à répéter qu'ils ont été amenés à voir des corridas très jeunes, que ceci ne les a aucunement choqués, qu'ils restent sensibles à la violence envers les hommes, et que ce spectacle ou son évocation les emplissent d'émotions positives. Pour les raisons évoquées ci-dessus, ces expériences personnelles, même si elles sont sincères, et même en mettant de côté toute considération éthique sur la tauromachie sanglante, ne constituent en aucun cas une justification suffisante.

 

Jean-Baptiste Jalabert dit « Juan Bautista », auteur en octobre 2019 d'un manifeste pour défendre l'accès des mineurs aux arènes.

 

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C
Bravo et merci pour ce bel argumentaire. Tous ensemble, portés par notre détermination sans faille de protéger les enfants de la violence et de la cruauté des corridas, aidés par une argumentation solide, efficace, intelligente et bienveillante envers les enfants et les animaux, nous éradiquerons ce fléau d'un autre temps qu'est la corrida à commencer par les écoles taurines. RC
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S
La corrida ne fait pas partie de notre culture ni de nos traditions. Arrêtez ces excuses pour voys donnez bonne conscience messieurs les pro-corruda. C'est une ignominie. ABOLITION.
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G
peut être rajouter que en plus, ce n'est pas notre tradition puisque la 1° corrida a eu lieu le 17/01/1701 à Bayonne en l'honneur du passage du roi d'Espagne Philippe V, mais c'est surtout à partir de 1852 qu'elle s'implante pour plaire à Napoléon III qui venait d'épouser Eugénie de Montijo, une Espagnole, Andalouse. Ils venaient en vacances à Biarritz.
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P
Effectivement, la corrida est apparue en France au mitan du XIXème siècle, non par l'opération du Saint-Esprit mais par l'opération *de* Saint-Esprit ;-). Nous n'avions pas voulu trop entrer dans ces détails vu que notre publication est déjà bien fournie, mais une phrase a été ajoutée dans la section "La corrida et la culture locale" pour tenir compte de votre suggestion.
C
Que la corrida soit interdite partout,le plus vite possible!
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S
La corrida espagnole est interdite en France car reconnue comme actes de cruauté et sévices graves passibles de 2 ans d' emprisonnement et 30 000 euros d' amende. <br /> Seul un perfide alinéa qui s 'est infiltré dans nos lois, suite aux coups de boutoir de ceux qui ont importé cette barbarie et qui la pratiquaient illégalement, autorise ce crime dans quelques départements.<br /> A partir de là quelque soit les prétextes avancés par les aficionados , défendre la pratique d' un supplice à mort festif sur un animal piégé, non entrainé et innocent est un non sens au même titre que défendre la pédophilie, la maltraitance de personnes faibles, etc...<br /> Les mots culture, art, tradition,... ont bon dos mais ne dupent pas ceux qui connaissent la réalité. <br /> Merci pour votre travail et pour le choix de la photo finale qui en dit long sur cette réalité...
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